Vivre l’ivre passion livre
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, janvier, mois des vœux et des bonnes résolutions. Avec les souhaits de bonne santé et de joie de vivre inséparable de la bonté, j’aimerais vous faire partager la résolution passion qui me tient à cœur, a tout pour moi d’un moyen d’existence : l’amour de la lecture !
Partout où je me souviens, il y a les livres. Sans la lecture, sans l’écriture, je serais sans mémoire. Je ne cesserai jamais de dire et de redire : lisez ! Offrez à vous-même le temps de lire et le don de lentement relire. Offrez ce présent d’ivresse aux personnes, proches et lointaines, que vous aimez. Aux petits, lisez et relisez des contes, rajoutez-en, çà et là, une pincée à votre sauce, inventez leur des chapitres, discutez-en avec eux, aidez-les à apprécier, dans la magie s’y déployant, la conscience de la lumière et de l’obscurité de leur voie singulière.
La lecture ne serait que repli sur soi ou refuge ? Plutôt passivité créatrice qui invite au voyage à son rythme, aux émerveillements jaillissant de la rencontre déroutante, aux interrogations et aux doutes qui bousculent, errements, effrois, enthousiasmes, tendresses, comme autant de carburants de l’imagination et de la réflexion… Parlant ainsi, je me rappelle. Je parle de vive, très vive voix, pas vite acquise et prise, de la fillette souriante et silencieuse que j’étais et qui a lu beaucoup, ne pouvant se contenter des réponses adultes, les histoires et les explications de l’entourage dans lesquelles manquaient des pans entiers de vie, plein, un monceau d’éléments intéressants, étranges, choquants qui posaient question, insistait là, sous ses yeux isolés d’enfant alors unique.
La fillette solitaire et songeuse a lu à peu près tout ce qui lui tombait sous la main. Pour apprendre, comprendre, ne pas comprendre aussi, accepter que certaines choses, c’est ça, sont mystères. Pour affiner ses intuitions, ne pas les sacrifier aux récits bruyants ou écrasants, aux affirmations menaçantes des grands. Partir à la quête du mais, qu’est-ce qui se passe, à la poursuite ardue du sens comme les pirates à la chasse au trésor. Pour la curiosité qui se paie, même s’il y a des livres toxiques et des textes inutiles, pour la persévérance, vaille que vaille, l’exigence de l’analyse qui se cultive, l’aventure d’explorer, de critiquer, piller d’autres imaginaires, bidouiller des entrées en matière, des fins différentes…
La fillette a lu aussi pour stopper l’hémorragie d’amnésie du déracinement soudain, l’enlèvement insoupçonné, entendez, également éviter de tomber dans l’effacement lent silence de soi, l’oubli d’Haïti, l’oubli de l’oubli de sa langue, de l’insolé comme du nocturne de ses narrations créoles. Afin que l’origine perdue ne devienne pas trou de mémoire béant néant hyperactif géant ogresque dévastateur… Qu’au-dedans, ne s’effacent les émotions débutantes, prime grammaire de l’être. La façon si sorcière, si sensible, là-bas, de respirer fantastique, conter pas possible, n’importe quand, à tout heure du jour et du crépuscule d’un coup, rideau tombant, raconter aux enfants, aux amis le fabuleux de l’ordinaire, en une inflation de détails obèses et somptueux, d’ornements poétiques orthèses d’une réussite, hélas, inapparente au regard sans bienveillance pyrotechnique ni grâce terrestre.
Puis le simple, ô le si simple, de s’arrêter de marcher et d’humer l’odeur du frangipanier, suçoter le nectar des corolles d’hibiscus bordant le chemin, voir dans l’élévation âgée des beaux arbres autant de doigts malpolis pointant le bleu balèze du ciel. Chérir le trésor arc-en-ciel d’attention ancienne au chant des oiseaux, aux trilles du pipirit dans la voix matinale du vent, être frappé par le pactole de saisissement du vol du colibri, événement éblouissant bijou mimi mini, plus rikiki que les monarques et les lourds papillons tout orfévrés du règne fascinant des créatures invertébrées qui appartiennent à l’invisible auquel la fillette que je suis se sent toujours appartenir en ajoutant, aux vagabondages lents de la lecture, ses enchantements secrets, créole inconscient pitit, kenbe la, tiens, bon petite, de qui lit pour tout, lit pour rien. Rien d’autre que se sentir exister justement…
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, voici une des versions de la joie, même de la jubilation que j’ai gagnée, de dire et redire : lisez et tentez vos proches, invitez-les sur les chemins de vos lectures et des échanges de points de vue, d’interprétations qui, vrai, parfois, prendront un tour vigoureux. Mais amitié ou amour, l’affection s’approfondit aussi du respect du désaccord. De même, il en va, je crois, du besoin de faire connaissance et lien. Avec force et humilité. Comme le symbole Adinkra cornes de bélier dont j’aime la profonde sagesse : soit humble avec force et fort avec humilité, sachant apprendre où être farouche et où cultiver la bienveillance.
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, être humain en passe nécessairement par le dialogue. De ce point de vue, pour certains, le courage consiste à parler davantage, pour d’autres à écouter plus. Mais qui peut vivre continument dans un de ces deux courages ? On se quitte sur cette question essentielle et le fameux Every Day I Write the Book d’Elvis Costello, auteur-compositeur-interprète anglais, d’origine irlandaise, né en 1954. Tirée de l’album Punch the Clock (1983), ce tube d’Elvis Costello and the Attractions n’a pas vieilli d’un poil. Et pour cause, l’amour du semblable noué au besoin de faire récit est une énergie éternellement nouvelle-née.
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