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Le vêtement incarné de France Borel (1/2)

Borel_France_Vetement_incarnéQue disent Les métamorphoses du corps ? (volet 1/2)

Selon l’historienne de l’art et docteur en philosophie et lettres, France Borel, des pratiques complexes, à cheval sur le registre collectif et le registre personnel. Donc, l’héritage culturel, la vie sociale, l’appartenance à un groupe ou une nation, l’histoire individuelle, le prestige hiérarchique, le genre, la classe d’âge, le statut matrimonial, l’espace intime, l’esthétique, le désir sexuel, le fantasme, le fétichisme…

Trachic_Mila01D’où le vers de Paul Valéry en exergue : Le plus profond, c’est la peauSuivi par la citation de Michel Serres, Les Cinq sens :
Rien ne va aussi profond que la parure, rien ne va aussi loin que la peau, l’ornement a les dimensions du monde.

Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, en Occident, depuis les années 90, le tatouage s’est largement répandu.

Trachic_Mila02aTrachic_Mila02b Trachic_Mila33Auparavant, on l’a prétendu populaire chez les membres des mafias et du crime organisé, les gangs de rue, de voyous, de motards, les danseuses exotiques, les prostituées.

Trachic_Mila21bLe tatouage était aussi prisé par les artistes, chanteurs, acteurs, sportifs…

Devenu ornement accessible à tous, il est image, devise, glyphes, emblème, miniature, déclaration, symbole, icône religieuse, profane, sentimentale, figure animalière, fabuleuse, kitsch, artistique, fantaisiste, humoristique, visible, intime, érotique…

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Tatouage petit, grand, intégral du chacun fait ce qui lui plaît. Les motivations ? Elles peuvent être précises ou confuses, réfléchies ou pulsionnelles, narcissiques, innocentes ou pas.

Trachic_Mila22Quoi qu’il en soit, il suffit d’apporter un motif ou de le choisir dans le catalogue du tatoueur et de la tatoueuse. Le tatouage fascine ! Et enfin, il est reconnu pour ce qu’il a toujours été, un art d’expert, patient, minutieux, exigeant, dont les maîtres réalisent des créations originales étourdissantes.

Mila Trachic
Mila Trachic

Le tatoueur ou la tatoueuse développe un don de dessinateur, mais sur le vif ! Entre peinture, couture et acupuncture, il ou elle œuvre sur l’épiderme vivant et sensible du client ou de la cliente. Les métiers artistiques intriguent, celui-là intrigue particulièrement. La durée de l’ouvrage permet une relation unique dans le monde occidental.
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Depuis quand l’être humain se tatoue-t-il ? La pratique est attestée au néolithique. Pourquoi ? Sans doute, des raisons religieuses, mystiques et magiques, des marques claniques et esthétiques. Peut-être encore prêtait-on alors aux tatouages des vertus guérisseuses.
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Volontaire ou non, fierté du soldat ou marque du mercenaire et de l’esclave, le tatouage est commun dans l’Antiquité. Mais il est condamné par l’Ancien Testament. Le nouveau Testament ne réaffirme pas cet interdit (p. 172). Trachic_Mila27Dans le monde chrétien, les autorités religieuses ne le voient pas d’un bon œil. Pourtant, les fidèles et les pèlerins se font tatouer le nom de Jésus ou la croix ou des sujets liés à la superstition.

Si le tatouage a servi de marque d’infamie stigmatisant le corps des criminels, des bagnards et des prostituées, il a aussi existé sous une forme professionnelle :
Il constitua durant des siècles un véritable diplôme d’attitude pour ceux qui voyageaient de chantier en chantier dans les divers pays d’Europe. Les labels corporatifs signalaient les professions par un emblème aisément déchiffrable : tête de bœuf pour le boucher, pistolet pour l’armurier, balance ou pain pour le boulanger, peigne et ciseaux pour le coiffeur, livre et plume pour l’écrivain public, etc. (p. 172)

John Irving est l’auteur de Je te retrouverai, un roman dont le héros Jack grandit dans l’arrière-boutique d’une mère tatoueuse. Les longues recherches, en amont de l’écriture, ont entraîné l’écrivain à Amsterdam chez un tatoueur.

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Dans Le monde selon John Irving, un documentaire diffusé sur ARTE, l’écrivain disait avoir observé que les personnes intégralement tatouées sont très frileuses.

Trachic_Mila18Jon Irving se demandait si leur désir de se couvrir de dessins ne venait pas leur frilosité. Dans ce cas, Le vêtement incarné est un titre aussi beau que judicieux. La seconde partie de l’article développe la dimension ethnologique et philosophique des métamorphoses du corps (lire ici).

L’essai de France Borel, Le vêtement incarné, a été réédité, en 2006, aux éditions Pocket, mais les références ci-dessus se rapportent à l’édition originale parue chez Calmann-Levy en 1992.

I’ve Got You Under My Skin, une chanson écrite par Cole Porter et dont l’interprétation par Frank Sinatra est un standard :
I’ve got you under my skin
Je t’ai dans la peau
I’ve got you deep in the heart of me
Je t’ai au plus profond de moi
So deep in my heart, that you’re really a part of me
Si profond dans mon coeur, que tu es une part de moi
I’ve got you under my skin
Je t’ai dans la peau

Mes remerciements à Mila Trachic dont le travail d’artiste accompagne l’article. Retrouvez ses tatouages sur son website.

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