Dany Laferrière, Raoul Peck, Rodney Saint-Éloi à Bruxelles (1/3)

23/02/2016

By Christophe-Géraldine Métral

Rencontre plurielle à La Maison du Livre (première partie)

Vendredi 19 février, trois natifs renommés d’Haïti : Dany Laferrière, Raoul Peck et Rodney Saint-Éloi étaient invités à la Maison du Livre de Saint-Gilles par l’ONG CEC, Coopération par l’Éducation et la Culture.

Dany Laferrière, Rodney Saint-Éloi, Raoul Peck, Ayoko Mensah, Rencontre littéraire : Haïti, diversité et enjeux d’écriture, Maison du Livre, Bruxelles, 19 février 2016

Cher tout le monde, femmes, hommes et autres, la rencontre littéraire intitulée : Haïti, diversité et enjeux d’écriture a offert un chaleureux moment de grâce et de générosité migratrice.

En hommes de paroles nomades et créateurs engagés, les intervenants ont raconté combien s’établir ailleurs, pour des raisons politiques ou non, est une aventure essentielle, opportune et dont les qualités et les beautés priment, en définitive, sur les difficultés. Habiter pleinement où on s’installe, y trouver lieu d’être, observer et travailler sur les interrogations qui travaillent la société : ces défis ont été envisagés sous l’angle de la passion inventrice non de la contrainte. Que plus de matières humaines, de découvertes culturelles, de surprises quotidiennes, de langues, de sensations inédites, de chances interpersonnelles, de relectures de là-bas et d’ici, de dialogues intimes entre ses anciens soi et ses devenirs en chantier, que toutes ces richesses de vécu sont un fertilisant de l’être et l’œuvre… hé, entendre pareils témoignages fait du bien !

Dany Laferrière, Rencontre littéraire : Haïti, diversité et enjeux d’écriture, Maison du Livre, Bruxelles, 19 février 2016

Après, le public a questionné les intervenants. S’est ensuivie une séance de dédicaces.

Puis les organisateurs ont offert un ti-punch. Que j’ai boudé : je devais prendre le volant. Et boire ou conduire est une des rares leçons de maintien que j’ai comprise sans explications. 

En tout cas, l’auditoire a ri de bon cœur avec Dany Laferrière. Il présentait Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo. De ce texte,  paru, chez Mémoire d’encrier, en 2015, on parle beaucoup au Québec. Il s’agit d’un dialogue nocturne entre un migrant établi au Québec et un jeune Camerounais récemment venu et pressé de faire sienne une culture inconnue. Il a été aussi question des Mythologies américaines, un recueil de textes, nouveaux et anciens, dont Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, paru aux éditions Grasset.

Élu à l’Académie française, au fauteuil n° 2, précédemment occupé par Hector Bianciotti, Dany Laferrière prononce son discours de réception, le 28 mai 2015, academie-française.fr

Dany Laferrière, reçu en 2015 à l’Académie française, a avoué ne pas supporter s’ennuyer et ennuyer l’autre. C’est ainsi qu’il est apparu : séduisant, vif, jubilatoire, joueur, faussement léger autour des problématiques épineuses. Le tout saupoudré d’insolence, mais toujours animée du souci de faire passer les pilules amères. L’écrivain n’aime pas se laisser enfermer dans un registre ou une case, fût-ce celle du départ. 

Épée crée par Patrick Vilaire et remise à Dany Laferrière, le 26 mai 2015, dans les salons de l’hôtel de ville à Paris, par Jean d’Ormesson, academie-francaise.fr

Si ses mots font mouche, ce n’est pas pour blesser le lecteur, mais selon les vœux de Dany Laferrière, toucher, non fâcher. Un lecteur qui, il suppose, ignore les expériences d’expatriation, ce qu’est la condition de l’étranger, du reste plus floue et paradoxale qu’identité arrêtée…

Dany Laferrière, Rencontre littéraire : Haïti, diversité et enjeux d’écriture, Maison du Livre, Bruxelles, 19 février 2016

Je recommande L’énigme du retour, prix Médicis 2009. Question : l’Ithaque qu’Ulysse s’efforce de regagner et l’Ithaque qu’il parvient à rejoindre, sont-elles les mêmes ? L’énigme du retour se déploie autour du trouble de la redécouverte du natal, après de longues années d’exil pour tous, car l’absence de l’être qui part est aussi l’exil de ceux qui restent.


Page 144, quatre lignes-manifeste de l’esprit de l’auteur, dont la joie est majeure, assurément exigence éthique :
La chose la plus subversive qui soit,
et je passe ma vie à le dire,
c’est de tout faire pour être heureux
à la barbe du dictateur.

Autre lecture : Tout bouge autour de moi racontant le séisme du 12 janvier 2010 à l’épicentre du tempérament debout d’Haïti qui, des décombres, se relève et remonte ses manches, attend moins les soutiens d’argent qu’il n’entend le don ami du monde entier ému par une catastrophe dont l’ampleur n’est pas naturelle.


Pour accompagner l’article de Dany Laferrière, il fallait une voix de femme : Isabelle Aubret chantant Que c’est beau la vie, le classique de Jean Ferrat.

L’ONG CEC, Coopération par l’Éducation, promeut l’évolution des mentalités grâce au dialogue interculturel. Site web : www.cec-ong.org/

Site web de La Maison du Livre de Saint-Gilles : www.lamaisondulivre.be

Articles similiaires

Commentaires

0 commentaires

Pin It on Pinterest

Share This